Œuvre

Removido (Removed)

Légende

2013
Dessin in situ résultant du grattage de peinture accumulée
Dimensions variables
Courtesy de l’artiste

Artiste

Par

Texte

Cette intervention in situ par Leyla Cardenas soutient une présence fantomatique, une présence comme absence qui définit la nature et l’expérience d’une trace. Le dessin d’un bâtiment sur un mur blanc a été méticuleusement enlevé par l’artiste, le sol étant recouvert de débris.*

Le bâtiment ressemble à une vieille demeure, les volets tirés, sans signe d’habitants, l’air déserté, isolé. La peinture blanche sur le mur semble déjà craquelée, son processus de pourriture et de détérioration déjà entamé. La ruine était inévitable, une question de temps. L’intervention de l’artiste a pourtant une certaine rudesse, comme si son geste avait accéléré ce processus, qui nous laisse observer en avance rapide le destin inhérent de la ruine, l’expérience douloureuse de la démolition. Son intervention est également emprunte de malaise, malaise qui n’est pas seulement induit par l’état précaire du mur, mais aussi par son traitement de la matérialité : le mur est ici un tissu, morceau de papier griffé et éraflé. Cette approche prévaut chez ceux qui travaillent le résidu, le fragment, la structure du déchet en sculpture et en installation, mais ce nouveau contexte de réappropriation n’efface pas totalement leur histoire.

Rauschenberg nous l’apprit avec son « Erased de Kooning drawing » (1935) : la question de la destruction oscille entre l’ajout et la soustraction ; la stratégie de l’enlèvement est aussi destructive que constructive. L’acte d’effacement porte en lui une nouvelle production potentielle. L’intervention in situ de Leyla Cardenas renverse ce processus. L’acte d’enlèvement relève davantage de l’excavation archéologique, l’œuvre surgit de la découverte de ce qui existe déjà.

C’est un acte de radical dévoilement : le mur craquelé n’a plus aucun secret, il révèle une accumulation chaotique de traces et de souvenirs. Le mur a sa texture pour histoire, histoire que dissimulera bientôt une couche fraîche de peinture. La production artistique rencontre la préparation d’exposition. Songez-y : les expositions se préparent et se terminent toujours de la même façon, on peint et on lave les murs, on enlève soigneusement toute trace, référence et récit antérieurs, on renvoie l’espace à l’impeccable blanc fictif du statu quo.

*Le dessin a-t-il été fait par l’artiste ?
L’artiste a-t-elle trouvé ce dessin dans cet espace ?
Cet espace est-il une galerie ou un lieu non artistique ?
Le dessin est-il un élément d’une exposition antérieur ?
L’artiste a-t-elle incorporé un dessin existant dans son œuvre ?
Le dessin évoque-t-il l’architecture du lieu ou de son voisinage ?
Le processus d’enlèvement a-t-il lui-même constitué une performance publique ?
L’enlèvement de la peinture a-t-il été réalisé en une seule fois ou s’est-il déroulé sur la durée de l’exposition ?
Les résidus de peinture ont-ils été préservés intacts durant toute la durée de l’exposition ? L’espace a-t-il été nettoyé ?
Etait-ce là la seule intervention dans l’espace ?

 

Traduit de l’anglais par Martin Richet