Œuvre

Wing Beats

Légende

2006, Taxidermie et chaîne métallique
Dimensions variables
Courtesy Galerie Xippas

 

Artiste

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Texte

Wing Beats (2006), sculpture de Ricardo Brey, manifeste un usage de l’espace inventif et un emploi de matériaux délicat qui évoque aussi bien la sphère culturelle que le monde naturel. Plusieurs brins de chaîne dorée s’empilent sur le sol, collés au mur, s’élevant en de grandes courbes jusqu’à une tête d’oiseau empaillée accrochée en hauteur, le bec face à nous. Cet assemblage éthéré et animiste fut conçu par Brey en même temps que son œuvre encyclopédique, Universe (2006), collection de plus de 1000 œuvres sur papier qui, par association, documente et détaille le monde naturel. Dans cette pièce maîtresse sont représentés flore, faune et minéraux, aux côtés de forces naturelles et extraterrestres.

Ancrée dans l’impression littéraire, Wing Beats évoque un texte du 18ème siècle de Anton Josef Kirchweger, entreprise de décryption de la Aurea Catena. La métaphore homérique de la chaîne d’or sert de guide alchimique aux rapports cycliques de la terre et des firmaments. Un des principes avancé par ce texte veut que les créateurs du monde animé doivent posséder une sérieuse connaissance des forces spirituelles et scientifiques de la nature. Il est dit que, sans cette connaissance, leurs produits pourront paraître infertiles et indignes. La connaissance contenue dans les plateformes successives de compréhension de l’Aurea Catena devient accessible à ses adeptes dès lors qu’ils auront intégralement compris chaque niveau initial. C’est alors que la voie vers le chaînon suivant devient visible et accessible.

La carrière bien établie de Brey, initiée à Cuba dans les années 70-80, a gagné en visibilité avec sa participation à Documenta IX en 1992. Il s’est, depuis, installé en Europe. Cette trajectoire, de la périphérie au centre, dans le maintien d’une œuvre foisonnante et reconnue, atteste d’une grande maîtrise du fonctionnement du monde, ancien et contemporain, voire de l’au-delà, étant données les allusions à l’Aurea Catena de Wing Beats.

Autre source de référence : Brey évoque l’influence du jazz dans Wing Beats, influence allant du club new-yorkais estimé, le Birdland, à la musique de John Coltrane. En l’occurrence, la force obscure du jazz est aussi une façon de reconnaître que les artistes qui adoptent une relation ambiguë au sens pourraient bénéficier de manières d’appréhender, de négocier et de communiquer qui expriment en réalité des modèles rationnels et mathématiques. C’est un mystère de l’entendement qui se relève lorsque l’on considère que ce type de position a nourri les avant-gardes du 20ème siècle et la modernité en générale. Ces œuvres sont objets et événements de représentation et de connaissance, mais aussi de culte et de vénération. Investiguer, dans un esprit d’aventure, ce symbolisme archaïque pourrait permettre de déceler une histoire secrète de la modernité, un langage caché, un code ou une tradition mystique.

Traduit de l’anglais par Martin Richet