Œuvre

Cuculí

Légende

2011, HD single-channel video transferred to flash memory, color, sound, 11’32’’, Courtesy of the artist, Galerie Antoine Levi, Paris and Maisterravalbuena, Madrid

Artiste

Par

Texte

Cuculi, vidéo énergétique mais agréablement rythmée de Daniel Jacoby, nous emmène en voyage au Japon. La voix off, réalisée par Jacoby lui-même, égraine des bribes rapides d’information. L’artiste rapporte les détails élusifs qui nous arrêtent de plein fouet lorsque nous y sommes confrontés dans les moments d’inertie du voyage. Il souligne les aperçus insignifiants du quotidien qui nous saisissent et nous rappellent que nous sommes loin de chez nous. Les fils qui pendent des néons ou panneaux de sortie de secours dans le métro, ou les histoires mémorables de notre voisin dans l’avion. Ces moments, qui s’enchaînent vite, suscitent l’anticipation mais se donnent sans conclusion réconfortante. Ponctué d’intermèdes mélodiques et dissonants, le ton de l’histoire passe à des fréquences rugueuses doublées d’une voix de femme tenant des propos éducatifs sur la géographie, les noms et les chants d’oiseaux.

Les images, fastueuses, ont été habilement tournées en studio, mais avec de modestes moyens. Figurent des plans de surfaces réflexives éclairées, d’un ventilateur de poche à LED, des formes abstraites en images de synthèse ressemblant à des topographies tordues, même un oiseau buveur doté du sens du timing d’un vétéran de la scène, plongeant au rythme dramatique d’une sérénade pour cordes. Selon cette approche de la narration, le stimulé remplace le réel du travelogue, en réalisant, en répondant et, en quelque sorte, en aliénant les images des mots.

Cette narration mord constamment la main qui la nourrit, en demandant au spectateur de remettre en question ce récit, devenu recueil décousu et nébuleux d’incidents et effets. Les éléments de l’histoire précédents sont constamment renégociés par le biais de visuels obtus, qui minent et opposent langage et bande-son. Mots et symboles travaillent les uns avec et contre les autres, afin de tout à la fois créer et détruire le sens. Le développement de frictions et calembours visuels est permanent, ce qui rend presque impossible une lecture unique ou naïve de l’œuvre.

Cette vidéo, formellement charmante, est par nature autodestructrice : sa perspective sur l’autorité positionne l’artiste en bouffon polémique, qui ne concocte des fondations que pour nous en priver tout d’un coup. En y réfléchissant bien, on se demande si l’artiste ne serait pas en train de nous décoder une sorte de transmission, au lieu de créer son propre message en partance.