• Choix 20

    Œuvre

    Cuculí

    Artiste

    Daniel Jacoby

    Par

    Jesse
    McKee

    Cuculi, vidéo énergétique mais agréablement rythmée de Daniel Jacoby, nous emmène en voyage au Japon. La voix off, réalisée par Jacoby lui-même, égraine des bribes rapides d’information. L’artiste rapporte les détails élusifs qui nous arrêtent de plein fouet lorsque nous y sommes confrontés dans les moments d’inertie du voyage. Il souligne les aperçus insignifiants du quotidien qui nous saisissent et nous rappellent que nous sommes loin de chez nous. Les fils qui pendent des néons ou panneaux de sortie de secours dans le métro, ou les histoires mémorables de notre voisin dans l’avion. Ces moments, qui s’enchaînent vite, suscitent l’anticipation mais se donnent sans conclusion réconfortante. Ponctué d’intermèdes mélodiques et dissonants, le ton de l’histoire passe à des fréquences rugueuses doublées d’une voix de femme tenant des propos éducatifs sur la géographie, les noms et les chants d’oiseaux.

    Les images, fastueuses, ont été habilement tournées en studio, mais avec de modestes moyens. Figurent des plans de surfaces réflexives éclairées, d’un ventilateur de poche à LED, des formes abstraites en images de synthèse ressemblant à des topographies tordues, même un oiseau buveur doté du sens du timing d’un vétéran de la scène, plongeant au rythme dramatique d’une sérénade pour cordes. Selon cette approche de la narration, le stimulé remplace le réel du travelogue, en réalisant, en répondant et, en quelque sorte, en aliénant les images des mots.

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  • Choix 19

    Sans titre – Série : Paisajes

    Juan Manuel
    Rodríguez Arnabal

    Par

    Andrew
    Berardini

    Tout finit d’habitude dans le sexe ou dans la mort.

    Et même les deux à la fois.

    Je crois que j’ai passé ma vie à écrire à propos d’ombres jetées sur les murs de chambres à coucher et sur les draps emmêlés qui s’y trouvaient.

    Ce seront sans doute aussi mes dernières pensées. Des draps : la dureté impitoyable du blanc d’un lit d’hôpital ; des ombres : leur danse sur la coquille dévitalisée d’une maison de retraite ou d’une unité de soins intensifs.

    Mais il y eut d’autres draps et d’autres murs. Je crois que cela provient de l’immobilité d’un éveil qui se produit quand on reste allongé au lit. Lorsqu’on se lève immédiatement, et qu’on s’érafle les pieds nus sur le parquet en direction de la salle de bain, trajet ordinaire, on regrette ce calme, ce point fixe dans un monde tournant. Cette immobilité est peut-être en tout point gratuite, née de la paresse ou de l’indolence, sa quiétude n’en reste pas moins indélébile. Les draps vous enveloppent les membres, jeu de la lumière et des ombres, annonce de ce que le monde peut offrir, aguichage perpétuel de Platon.

    Je reste au lit parce que je trop malade pour en sortir ou parce qu’il y a un corps à côté du mien.

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  • Choix 18

    Acción / Intimidad Publica

    Juliana
    Iriart

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    Des explosions de couleurs, une énergie éblouissante, des passages lyriques imprégnés d’une force aspirant la gravité, une harmonie aléatoire, et une calme dispersion – rien de tout cela n’est nouveau, relevant d’un langage emprunté à l’expressionnisme abstrait. Mais dans Intimidad publica de Juliana Iriart, c’est le monde qui se fait toile, et les couleurs ne se dissolvent pas de façon indélébile sur une surface, mais dans nos souvenirs, nos sentiments, en nous-mêmes. Le mode opératoire est de la plus grande simplicité : des carrés découpés dans du papier de couleur sont lancés du haut d’un immeuble, recréant la magie d’un feu d’artifice. Le rôle de l’artiste ‘héroïque’ est ici tenu par n’importe qui, généralement un ami, un ami d’ami ou un petit groupe qui largue les couleurs au coucher du soleil.

    A l’origine de l’art, il y a un événement social, une énergie de groupe d’abord suscitée, puis libérée, tout part de visages souriants, puisqu’avant-même que l’image soit produite, des gens sont rassemblés au coude à coude : là-haut, observant la rue, attendant le signal, les mains tâtant le papier, les bras à-demi plongés dans les sacs de couleurs, immersion enfantine dans les matériaux,  où l’art est plus une sensation qu’une idée. En bas, certains comprennent que quelque chose va se produire, et une curiosité primitive les cloue sur place, les yeux levés. D’autres, à quelques minutes de l’événement, ignorent qu’une surprise les attend bientôt, leurs pas les dirigeant exactement vers la trajectoire d’Intimidad publica, et eux, qui n’ont en rien prévu de voir de l’art ce soir-là, vont découvrir que c’est plutôt l’art qui vient les accueillir à bras ouverts.

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  • Choix 17

    A-PHAN-OUSIA

    Maya
    Watanabe

    Par

    Anca
    Rujoiu

    Conversation avec Maya

    A-phan-ousia ? C’est un concept de ton invention ? Oui, a-phan-ousia est un mot grec que j’ai façonné. Ce qu’il signifie : a – préfixe négatif : non, sans ; pha (n)parler (apparaître, montrer) ; ousiaessence, substance. pha signifiant parole et phan apparaître, montrer. La juxtaposition de deux idées en produit une troisième (comme le montage chez Eisenstein ou les idéogrammes japonais), tout en gardant un sens ouvert. J’entends par là qu’elle ne définit ou ne détermine pas un sens précis. Il y a un poème dans le métro londonien qui a toujours attiré mon attention. Je ne sais pas dans quelle station il est affiché, mais le voilà : Stations – En revenant chez lui par la Ligne Nord, il réexamine son mariage. Quand il lui disait son amour c’était la stricte vérité : mais les mots  qui ne cessent pourtant d’accomplir une tâche utile et cérémonielle, ont aujourd’hui perdu de leur résonance – comme Barons Court, St John’s Wood ou le splendide Shepherd’s Bush. (Connie Bensley).  Ce poème rappelle que l’expression d’un sentiment peut, avec le temps, prendre la banalité d’un nom de station de métro. Comment se fait-il que des mots puissent brusquement se trouver dénués de tout contenu émotionnel et perdre leur résonance ?

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  • Choix 16

    Wing Beats

    Ricardo
    Brey

    Par

    Jesse
    McKee

    Wing Beats (2006), sculpture de Ricardo Brey, manifeste un usage de l’espace inventif et un emploi de matériaux délicat qui évoque aussi bien la sphère culturelle que le monde naturel. Plusieurs brins de chaîne dorée s’empilent sur le sol, collés au mur, s’élevant en de grandes courbes jusqu’à une tête d’oiseau empaillée accrochée en hauteur, le bec face à nous. Cet assemblage éthéré et animiste fut conçu par Brey en même temps que son œuvre encyclopédique, Universe (2006), collection de plus de 1000 œuvres sur papier qui, par association, documente et détaille le monde naturel. Dans cette pièce maîtresse sont représentés flore, faune et minéraux, aux côtés de forces naturelles et extraterrestres.

    Ancrée dans l’impression littéraire, Wing Beats évoque un texte du 18ème siècle de Anton Josef Kirchweger, entreprise de décryption de la Aurea Catena. La métaphore homérique de la chaîne d’or sert de guide alchimique aux rapports cycliques de la terre et des firmaments. Un des principes avancé par ce texte veut que les créateurs du monde animé doivent posséder une sérieuse connaissance des forces spirituelles et scientifiques de la nature. Il est dit que, sans cette connaissance, leurs produits pourront paraître infertiles et indignes. La connaissance contenue dans les plateformes successives de compréhension de l’Aurea Catena devient accessible à ses adeptes dès lors qu’ils auront intégralement compris chaque niveau initial. C’est alors que la voie vers le chaînon suivant devient visible et accessible.

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  • Choix 14

    Límite

    Cintia Clara
    Romero

    Par

    Andrew
    Berardini

    Cadre : Une fille. Une piste. Une jungle, très verte. Des pierres, bien grandes. De jour.

    Elle bloque la route.

    Elle apporte la dernière touche.

    Elle débloque la route.

    Elle se bat pour ses convictions.

    Elle finit son monument.

    Elle s’étire un moment.

    Elle est prête à bondir.

    Elle montre un peu ses jambes.

    Elle se défait les cheveux au vent.

    Elle marque cette piste comme étant sa toute préférée.

    Elle est en tout point indifférente à la route, qui n’a strictement rien de particulier.

    Elle met les mains où on peut les voir.

    Elle refuse de montrer son visage.

    Elle prend acte de sa faiblesse.

    Elle est sûre de ses forces.

    Elle rend la pierre pierreuse.

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  • Choix 15 bis

    Progresión

    Juan Fernando Herrán

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    Progresión se présente comme une sculpture légère et aérienne, constituée de tasseaux de bois. L’artiste joue ici avec la modularité et la rythmique du bois. L’oeuvre est proche d’une autre série où l’artiste donne à voir un grand nombre d’escaliers irréguliers (« Escalas ») que les habitants de Medellin empruntent quotidiennement. Ces escaliers, dotés d’une forme sculpturale, fonctionnent comme le pendant abstrait de la sculpture en bois et crée une symbolique de progression et d’effort, de dépassement de soi et transcendance.

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  • Choix 15

    Terra Incognita

    Juan Fernando
    Herrán

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    Cinq rochers imprégnés par la lumière.

    Terra Incognita se présente comme une assemblée banale de pierres de plomb.

    Eloigné de tout contexte humain, émotionnel, sentimental, les pierres se présentent comme d’étranges sculptures créant une installation abstraite.

    Ignorées dans la nature, les rochers sont ici appréciés à nouveau, dans leur individualité, nous pouvons les examiner, les scruter, comme si nous entrions dans le rêve du rocher, qui veut exister quelque part dans le monde pour un public plus large.

    Les rochers, éléments fondamentaux de la Terre et de l’humain sont comme des reliques d’un ensemble plus vaste et nous rappellent la crainte d’aller en dehors de nous-mêmes. Ils sont les emblèmes d’un mystère divin, la présence de matière tout autour de nous. A l’unité.

    Pourtant, les rochers apparaissent simultanément comme quelque chose d’étranger, des objets d’une autre planète, révélant une autre partie de l’être humain: l’écart, la distance et l’aliénation des fragments. Nous désirons combler ces distances, et communiquer avec des personnes extérieures à nous-mêmes. Ma réaction existe au sein de ces pôles affectifs, se balançant doucement de l’une à l’autre, comme un hamac.

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  • Choix 13

    On the direction of the wind

    Manuela
    Ribadeneira

    Par

    Anca
    Rujoiu

    Le symbolisme du vent recouvre un amalgame d’expériences, d’événements et de croyances. Il pourrait presque tout décrire : manières de penser et d’agir, sentiments, voire politiques. Le vent peut être doux et tendre : soufflant délicatement sur sa peau, il évoquait pour elle ce sentiment plaisant, ne pas savoir où elle allait. Le vent peut être fort au point d’en devenir implacable, puissant à en devenir ingérable. Tu es comme le vent, lui dit-on. Forte et libre. Le vent ne peut être mis en cage, n’est-ce pas ? Les vents soufflent quand on s’y attend le moins, mais ils peuvent vous faire arriver à des endroits plus intéressants que vous ne l’auriez jamais prévu. Le vent était comme un air venu d’un autre monde. Elle le sentait glisser sur sa peau. A son réveil, l’image du rêve disparut comme fumée dans le vent. Elle était lasse de parler, tout ce qu’elle disait se trouvait soufflé par le vent dès qu’elle énonçait un mot. Les mots tombaient les uns dans les autres sur la page, s’entrecroisaient, s’entremêlaient, se fondaient les uns dans les autres comme si l’auteur n’avait aucun projet à l’esprit en écrivant, comme si les mots étaient portés par le vent. Dans quelle direction allait le vent ?

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  • Choix 12

    Sans titre (figurants)

    Estefanía
    Peñafiel Loaiza

    Par

    Andrew
    Berardini

    Ceci est un antidote. Ceci est un poison. A la fois accumulation et décomposition. Tous les mots que l’on a jamais dits et tous les mots que l’on a jamais supprimés. Il serait puissant et dangereux si, lorsque l’on parlait, les choses absorbaient nos voix, ce qui se disait. L’oreiller de nos confidences de nuit ferait la convoitise de nos ennemis. Nos téléphones deviendraient langagièrement radioactifs. Verrait-on l’équanimité caractéristique de Gandhi émaner de son combiné ? Ou l’avarice retentir de celui d’un banquier ? La servilité (ou peut-être le désir secret de révolution) de celui d’un domestique ?

    Que la mort creuse le tronc, l’arbre peut se maintenir. L’effacement est plus proche de la fin que ne l’est la mort, mais laisse encore des lacunes, des taches. Rauschenberg lui-même ne saurait pleinement disparaître dans un de Kooning. La disparition laisse des traces. Elles sont fins de toutes les histoires, de toutes les vies, ces traces. Le mot « disparition » a absorbé les émotions des locuteurs, les actions qu’ils énoncent. Je ne peux dire un mot sans qu’une armée d’âmes perdues et de victimes politiques murmure sous son ombre. Leurs spectres chuintent à la fin de la première syllabe et laissent une tache humide à la place de la dernière.

    Les choses peuvent même être modifiées par les mots. Mêmes les mots sont des choses. Encre et plomb n’ont pas cette mémoire, mais dans l’espace de la présence est aussi l’absence. Les gommes portent le péché de l’effacement. Leur mémoire est d’une autre sorte.

    Estefania Penafiel Loaiza a gardé dans de petits bocaux les cadavres de gommes usées, gorgées de disparition, marquées mais muettes, arrangées comme des spécimens ou épices.

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  • Choix 11

    Plan

    Tamara
    Kuselman

    Par

    Jesse
    McKee

    « Ceci n’est qu’un test » est le premier énoncé de la vidéo hypnotique de Tamara Kuselman, Plan. Initialement, ce ton rassure le public pendant que des couleurs alarmantes, rouge vif, jaune froid et orange clair, s’affichent à l’écran. L’effet évoque ces moments de répétition et de protocole bien connus des enfants de la Guerre Froide, habitués à l’irruption de leurs programmes télévisés réconfortants par des alarmes publiques. C’est cet état enfantin fait de confusion, de confiance et de malaise qui est manipulé de manière très affective par Kuselman dans cette audacieuse vidéo.

    Les aplats de couleurs se désintègrent en de curieuses grilles et zigzag. D’obtuses délimitations de l’espace, retintées – mauve, pêche, vert pâle et marron – depuis leur première apparition, forment des rendus digitaux plats mais psychédéliques. Perte de signal ou menace prolongée de forces extérieures incontrôlables ? Les abstractions et champs de couleur du film vibrent de mouvement et d’énergie, évoquant en cela l’histoire des structuralistes de l’image animée comme Paul Sharits et ses films stroboscopiques.

    La narration produite par l’artiste elle-même change de positionnement, passe du lexique du discours officiel à la perspective du désastre ambigu. « Sans doute qu’il y aurait aussi de la fumée », « une femme essayerait d’ouvrir une porte en tapant dessus » « des panneaux de verre se briseraient » et « les enfants se couvriraient la tête de leurs mains ». Ces énoncés troublants sont déclamés d’une voix inexpressive et mêlés de vocalisations représentant alarmes et fracas. Ces bruits abrupts et dissonants, qui rappellent la poésie sonore des années 70, nous font à la fois rentrer dans et sortir de ces abstractions muables qui se forment et se reforment inlassablement à l’écran.

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  • Choix 10

    Un morceau de cheddar sosie du Mont Rushmore fondu à tranche parfaitement plate et carrée

    Daniel
    Jacoby

    Par

    Anca
    Rujoiu

    Une errance imaginée dans une exposition que je n’ai vu qu’en images :

     

    1646, La Hague

    D.J. accepte la proposition d’exposition personnelle venue d’un lieu d’artiste. Il s’est fait une idée claire de sa forme avant même que n’arrive l’invitation. Il y a des œuvres éparpillées dans son studio qui ont toujours eu l’air d’appartenir ensemble ; le contexte d’une exposition peut servir à renforcer ou remettre en question ces connexions. De même, quelques idées le hantent depuis un moment, idées bien articulées en conversation, mais jamais physiquement matérialisées jusque là. Il a toujours beaucoup pensé aux produits et objets versatiles en terme de matériau sculptural. Patates et serviettes, par exemple… C’est qu’on peut en faire, des choses, avec des serviettes, pense D.J. : s’allonger dessus, se sécher, couvrir ou nettoyer d’autres choses, réserver une place, empêcher l’entrée de gaz nocifs, tenir des choses chaudes. Quant aux patates : globalement, elles ont autant de variétés que de formes et d’usages. L’enjeu ce n’est pas tant d’explorer de nouvelles façons de se servir d’un objet quotidien qui nous est familier que de souligner sa malléabilité, sa capacité à éprouver un processus de transformation et de manipulation qui lui confère un sens nouveau.

    Comment résoudre provisoirement la solution provisoire

    D.J. repense à un ancien tutoriel, intégré à un logiciel de modélisation en 3D : la création d’un cube selon la technique de l’origami, un plan carré se trouvant plié comme un morceau de papier. La vidéo, à la fin, annonce que le même cube aurait été obtenu en cliquant sur le bouton « Ajouter un cube ». De quelque manière qu’il soit crée, le cube est identique, mais l’observation du processus invite à envisager le potentiel sculptural d’une forme géométrique fondamentale.

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  • Choix 9 bis

    O louco

    Flávia Metzler

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    Flavia Metzler joue avec nos attentes et crée volontairement une peinture surréaliste 80 ans plus tard. Son œuvre se compose d’images générées à partir du passé, comme quelqu’un qui parle magnifiquement par citations choisies. Il s’agit d’un équilibre délicat. Elle fait confiance à son intuition en utilisant le passé à la façon d’un enfant, avec un étonnement mêlé de crainte. Dans ‘O Louco’ l’artiste associe ses peintures à des rêves étranges et explique qu’elle peint ce qu’elle voit quand elle a les yeux fermés.

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  • Choix 9

    And Everything Had Beautiful Sense That Never Was and Ever More

    Flavia
    Metzler

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    And Everything Had Beautiful Sense That Never Was and Ever More de Flavia Metzler n’a pas peur d’être magnifique.

    L’artiste déploie un arrangement de méthodes pour séduire le spectateur, y compris, mais sans s’y limiter: les nuances de bleu, un motif complexe et décadent du 19e siècle, une lumière mystérieuse qui pénètre à travers un mur, passant par une lampe rouge, et se terminant par le cristal, le fait que cette lampe rouge apparaît comme un cœur, la lumière qui passe à travers semble avoir des connotations mystiques; un halo bleu ciel derrière l’homme en costume ressemble aux ailes d’un ange, d’autant plus que nous ne voyons pas les bras, le titre long, qui traverse toute l’image avec sa propre lumière invisible , absurde, mais rempli d’intentions positives, est comme le vol d’un colibri, global et harmonieux, plein d’humour, d’un arrangement absurde de ces différents éléments, l’expression inattendue

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  • Choix 8 Bis

    First Agreement

    Matheus Rocha Pitta

    Par

    Jesse
    McKee

    L’œuvre de Matheus Rocha Pitta choisie sur arte-sur.org ; Circular ( 2011), ne se prêtait pas à une présentation au Palais de Tokyo, en raison de son ancrage dans un contexte spécifique à Rio de Janeiro. A la place de Circular, Rocha Pitta a proposé la production d’une nouvelle œuvre : First Agreement (2013).

    Inspiré par le souvenir d’une citation de l’artiste Thomas Hirschhorn  » Pour changer la réalité vous devez d’abord l’accepter. Accepter la réalité est le premier pas pour la changer »[1] , l’artiste Rocha Pitta associe cette pensée avec ses recherches sur les pierres tombales des cultures de l’Egypte, la Grèce et la Rome Antiques.  Dans ces artefacts, les morts sont continuellement représentés, en peinture ou en bas relief, serrant la main ou embrassant le divin.

    Dans son œuvre, First Agreement, Rocha Pitta pose deux stèles de béton contre le mur. Sur la surface de la matière sont ancrées des images découpées de pages de quotidiens et d’hebdomadaires, montrant une série de remerciements et d’accords entre des figures militaires ou politiques. Reflétant les poses des dalles funéraires, les figures se tiennent les mains, se prennent dans les bras ou s’embrassent. Ces scènes sont des évènements réels, mais aussi des rencontres orchestrées par la presse.  Ces démonstrations publiques chaleureuses, accueillantes et cordiales sont transcrites comme des signes au public que l’alignement partisan et la coopération est à portée de main dans leurs processus gouvernementaux et militaires.

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  • Choix 8

    Circular

    Matheus
    Rocha Pitta

    Par

    Jesse
    McKee

    La sculpture de Matheus Rocha Pitta, Circular, prend place en plein cœur des affaires quotidiennes de la Favela de Maré à Rio de Janeiro. Commandité dans le cadre des propositions inaugurales de l’agence d’art contemporain Traversias, l’artiste est invité à considérer la Favela comme site d’intervention et d’exposition : tentative de franchir les barrières qui séparent l’art contemporain et la communauté économiquement désavantagée du voisinage.

    Un autobus décrépi est garé le long d’une route. A l’intérieur, l’artiste a installé une série de sculptures, assemblages, empilements et entassements de matériaux de construction, de briques, de gravier, de tuiles et de parpaings, sur les sièges à passagers. Cette configuration fantasmagorique et immobile évoque la présence de tout un chacun. Cela renvoie au plâtre blanc et aux silhouettes pansées de l’artiste américain George Segal, qui utilisait le terme « espace piéton » pour décrire les zones d’ombre entre sculpture et vie réelle.

    Ce choix des matériaux, grossier, commun, peu cher, adresse l’environnement architectural de la Flavela de Maré. Il évoque également l’histoire de l’arte povera. Les artistes de ce mouvement de la fin du 20ème siècle, tels Kounellis, Penone, Pistoletto et Zorio ont eu l’idée révolutionnaire d’utiliser les matériaux de la vie quotidienne pour aborder les enjeux politiques, culturels et sociaux de l’après-guerre européen. S’inscrivant dans cette lignée, Rocha Pitta continue de susciter un lien direct et fort entre l’observateur, l’œuvre d’art et son auteur, quand le matériau lui-même sert de pratique. Choix particulièrement poignant lorsqu’il a Rio de Janeiro pour contexte, puisqu’il répond manifestement à l’immense enrichissement financier de la ville cette dernière décennie.

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  • Choix 7

    Más trabajo heróico (More Heroic Work)

    Eugenia
    Calvo

    Par

    Andrew
    Berardini

    C’est triste, vraiment, mais les mots ont lâché Eugenia Calvo. C’est peut-être seulement parce que je suis écrivain que cette affaire me semble triste, et ça ne restera peut-être pas triste très longtemps. S’ensuit un éclat de beauté, comme quand les extincteurs automatiques font pleuvoir à l’intérieur, lors d’un incendie.

    Après tout, les mots ne sont rien que des outils. Parfois, ils ne marchent pas du tout. Je ne possède pas beaucoup d’outils, aussi il m’arrive d’avoir à déboucher mon évier avec un maillet en caoutchouc ou réparer une poignée de porte avec une aiguille et du fil à broder. Ce ne sont évidemment pas les bons outils, mais j’essaie de faire avec ce que j’ai.

    Pas Eugenia.

    Les mots se sont mis à lâcher peu à peu, çà et là : un synonyme inapproprié, une notion intraduisible, une phrase boiteuse faite de clichés. Ce qui arrive souvent, je pense, mais constitue, pour la plupart des gens, à peine un angle mort. Il faut vraiment regarder de près pour remarquer un angle mort, aussi on se contente souvent d’utiliser le mauvais mot, la traduction bâclée. Certaines langues n’ont pas de mot pour le bleu. Il ne faut pas croire que ceux qui emploient ces dialectes ne connaissent pas cette couleur, mais plutôt qu’il leur est plus commode de ne pas la voir. Il est difficile de voir ce qui n’a pas de mot.

    Eugenia a lu le logicien Wittgenstein : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire », mais l’a promptement ignoré. Le langage piétine ? Eugenia avance, comme en cas de crise, des objets provisoires se substituant aux mots pris à défaut. Tout a peut-être commencé sur les assiettes pendant le dîner. Par un arrangement savant de la nourriture. Les images sur les assiettes se sont ainsi avérées très utiles. On peut se demander si Eugenia aurait eu ces innovations linguistiques si elle avait mangé sur des assiettes blanches ordinaires.

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  • Choix 6

    Cycles of Life

    Sofía
    Ruiz

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    Cycles de la vie est la fusion saisissante d’un portrait d’enfant autobiographique contemporain et imprégné de la sensiblité de la fin du 19e siècle invoquant les cycles familiaux et les cycles de l’art. Sans les mains et les visages détaillés, on se retrouve avec une peinture abstraite, la figure du père en particulier ressemblant à une peinture du milieu du 20e siècle. Le portrait de James McNeill Whistler de Mlle Amy Thomas Brandon, par exemple, est presque entièrement abstrait, sauf pour le dessin délicat des traits du visage du bébé, un style qui convient particulièrement les bébés et les enfants qui sont encore dans leur univers d’esquisse, la formulation d’une identité . Cycles de la vie entoure également l’enfant avec un vocabulaire abstrait, mais choisit plutôt de rendre le visage de l’enfant et le visage du père précis photographiquement. Ici nous sommes dans un territoire différent, historiquement nous pouvons penser à Freud ou l’ADN,  et personnellement comme l’artiste l’a souligné le manque de photographies dans son enfance passée avec une mère souffrant de perte de mémoire. En effet, l’absence d’une mère ici est saisissant. On se demande qui a fait ce bébé, et la seule réponse que nous avons est l’artiste elle-même. En supposant que le bébé est de Sofia, l’artiste a dû développer la prochaine génération afin de créer son histoire de la dernière, avec elle-même comme un bébé, et son père comme un jeune homme.

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  • Choix 5

    Un Futuro Certero (A Certain Future)

    Tamara
    Kuselman

    Par

    Anca
    Rujoiu

    Le hasard est un élément capital dans nos vies et leurs revirements. L’imprévu nous affecte en nous demandant de changer de cap et de nous y adapter.[1] Le hasard comme stratégie artistique indique le refus de la position d’auteur. Le recours au hasard souligne le fait que la production artistique, sa réception et son sens ne sont jamais complètement isolés, mais sujets aux décisions et interventions extérieures.

    Invitée à proposer une exposition personnelle à L’Espai Dos de la Sala Muncunill en Espagne, Tamara Kuselman décide de suspendre sa responsabilité personnelle et d’abandonner son travail à une cartomancienne, censée formuler le contenu de l’exposition. La pression ordinaire d’avoir à présenter une proposition à l’avance est semble-t-il apaisée par la confiance placée dans les effets miraculeux du hasard et les conséquences imprévues de la prise de risque. Mais la liberté a-t-elle une direction quand on travaille guidé ? Est-ce un soulagement que de suivre une ligne de conduite ou une contrainte étouffante ? Jusqu’où peut-on embrasser le risque ?

    Kuselman assume et mine le mythe de l’artiste preneur de risque en abandonnant le contrôle. Référence durecte est faite au photomontage d’Yves Klein, Le saut dans le vide. L’exposition devient protocole expérimental pour mettre à l’épreuve les notions de contrôle, d’autorité et de consentement sur fond de jeu. Les prédictions de la cartomancienne sont elles-mêmes prévisibles tant elles sont aléatoires. L’artiste reçoit des instructions de production et de positionnement dans l’espace détaillées. L’exposition telle qu’elle est prescrite par la cartomancienne est un collage d’éléments arbitraires, allant de la lingerie érotique, des images en noir et blanc de célébrités à la présence obligée d’un homme musclé aux yeux bruns et au regard provocateur. Tout est précisé.

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  • Choix 4

    Comunitas (Wall / Harp)

    Guillermo E.
    Rodriguez Rivera

    Par

    Jesse
    McKee

    Lorsque l’on approche du mur précaire et envahissant qu’est Comunitas (Wall / Harp), on prend conscience de la temporalité de ce mur élevé et conçu selon l’ADN de la fonctionnalité. Cette structure prosthétique contient en son espace liminal une petite harpe, nichée dans une brèche, qui sert de bordure transitoire entre les deux parois du mur. L’architecture du dispositif interdit aux musiciens potentiels de saisir la harpe, de poser leurs deux mains sur les cordes. Guillermo E. Rodriguez Rivera se joue ici assez cruellement du visiteur. La bêtise de cette relation pré-établie, entre l’anticipation du visiteur et le potentiel de la situation, n’apparaît qu’une fois que la sensualité de la présence de l’instrument s’est imposée – comme une sirène appelant les marins aux dangers du récif.

    Par son invitation à considérer cette singulière co-appartenance, Rodriguez met en scène une forme d’hospitalité radicale. L’œuvre appelle à ce que deux personnes jouent un duo de chaque côté du mur. Privés de la capacité de se voir, le seul échange sensoriel possible entre les intervenants provient du son de l’instrument. Frustration et défaite seront-elles les conséquences de cette approche optimiste mais naïve de la communauté et de la collaboration ? Malgré tout, la position fondamentale du cynique est ici inhérente, l’optimisme portant sur la faible probabilité d’émergence du bien dans le monde. Rodriguez propose ce scénario provocateur en admettant que certains intervenants trouveront à terme l’harmonie au sein de cette obtuse triangulation.

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  • Choix 3

    Feeling

    Ivan
    Argote

    Par

    Isabelle
    Le Normand

    Quelqu’un danse devant un tableau.

    Il est vêtu simplement, en chemise blanche et pantalon noir, comme le tableau, croix noire sur fond blanc. Parfois vie et beauté sont des choses simples : voir danser quelqu’un devant un tableau est beau, et le cœur rentre lui aussi dans la danse.

    Ce quelqu’un, c’est l’artiste Ivan Argote, et c’est devant la Croix Noire de Malevitch qu’il danse.

    Le geste d’Ivan peut être vu comme un prolongement du tableau, le tableau atteignant ainsi le monde réel, le monde réel des sensations et des émotions, de la joie quotidienne, comme si un personnage de Dostoïevski sortait de son livre pour nous proposer une boule de glace.

    Ou alors il s’agit d’un commentaire, d’une réaction, d’un geste opposé aux abstractions de l’art du 20ème siècle et à son silence glacé et hermétique. Les cuivres de la chanson que l’on entend, qui guide le corps d’Ivan, évoquent les marches funèbres de la Nouvelle Orléans.

     

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  • Choix 2

    Removido (Removed)

    Leyla
    Cárdenas

    Par

    Anca
    Rujoiu

    Cette intervention in situ par Leyla Cardenas soutient une présence fantomatique, une présence comme absence qui définit la nature et l’expérience d’une trace. Le dessin d’un bâtiment sur un mur blanc a été méticuleusement enlevé par l’artiste, le sol étant recouvert de débris.*

    Le bâtiment ressemble à une vieille demeure, les volets tirés, sans signe d’habitants, l’air déserté, isolé. La peinture blanche sur le mur semble déjà craquelée, son processus de pourriture et de détérioration déjà entamé. La ruine était inévitable, une question de temps. L’intervention de l’artiste a pourtant une certaine rudesse, comme si son geste avait accéléré ce processus, qui nous laisse observer en avance rapide le destin inhérent de la ruine, l’expérience douloureuse de la démolition. Son intervention est également emprunte de malaise, malaise qui n’est pas seulement induit par l’état précaire du mur, mais aussi par son traitement de la matérialité : le mur est ici un tissu, morceau de papier griffé et éraflé. Cette approche prévaut chez ceux qui travaillent le résidu, le fragment, la structure du déchet en sculpture et en installation, mais ce nouveau contexte de réappropriation n’efface pas totalement leur histoire.

    Rauschenberg nous l’apprit avec son « Erased de Kooning drawing » (1935) : la question de la destruction oscille entre l’ajout et la soustraction ; la stratégie de l’enlèvement est aussi destructive que constructive. L’acte d’effacement porte en lui une nouvelle production potentielle. L’intervention in situ de Leyla Cardenas renverse ce processus. L’acte d’enlèvement relève davantage de l’excavation archéologique, l’œuvre surgit de la découverte de ce qui existe déjà.

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  • Choix 1

    Étude pour la construction du paysage de la Lagune de Zempoala

    Ana
    Gallardo

    Par

    Albertine
    de Galbert

    Marcher jusqu’au lieu où l’eau prend sa source
    Et attendre, assis, que se lèvent les nuages.
    Wang Wei

    L’œuvre de Ana Gallardo s’articule depuis une quinzaine d’années comme un projet affectif, autour de la revalorisation et la réutilisation d’un patrimoine intime, le sien, et celui d’autres qui ont bien voulu lui en confier certains fragments. A l’instar de Robert Filliou, pour qui l’art était « ce qui rend la vie plus intéressante que l’art », elle perçoit des faits artistiques dans la vie quotidienne et les relations affectives. L’art ne constitue pas une fin en soi, ses propositions s’appliquent à la vie civile, sociale, et politique.

    La nécessité du récit, textuel, sonore, visuel, ou les trois à la fois, comme exorcisme ou comme incantation, est au centre de sa pratique. Ses œuvres sont empreintes d’une très forte spiritualité, dans ce qu’elles respectent presque religieusement les émotions, et les objets qui les abritent ou les ont abritées. En les invoquant par le souvenir, en recueillant avec délicatesse ces reliques d’histoires intimes, d’amour et d’exil, de solitude et de manque, l’artiste les réactive, et rééduque en quelque sorte la partie blessée de la mémoire.

    Le dessin Étude pour la construction du paysage de la Lagune de Zempoala fait partie d’un projet d’installation constitué de plusieurs dessins, d’une animation vidéo, et d’images qui forment le récit d’un événement de la vie de l’artiste. Un texte introduit l’œuvre, comme souvent dans le travail de Gallardo, à la manière d’une scène d’exposition de cinéma ou de théâtre

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